Une contrainte qui peut tout changer dans votre pratique

Pour illustrer cet article, toutes les photos ont été prises avec une focale de 35mm (celle du Fuji x100vi)

L’abondance de matériel : un faux confort

Nous vivons une époque où la photographie semble indissociable d’un vaste arsenal de matériel. Avant chaque sortie, une question revient : quel objectif emporter ? À force d’hésiter entre un grand-angle, un 50 mm ou un téléobjectif “au cas où”, on risque de consacrer plus d’énergie à choisir notre équipement qu’à observer la lumière ou les scènes qui nous entourent.

Cette fatigue du choix permanent finit par brouiller l’essentiel : notre regard.

Depuis plusieurs mois, j’ai décidé d’adopter une approche très simple : utiliser une seule focale, et m’y tenir. Dans mon cas, le Fujifilm X100VI et son équivalent 35 mm (j’ai écrit un article pour dire ce que je pense de ce boitier). Mais il n’est absolument pas nécessaire d’avoir un appareil spécialisé : n’importe quel boîtier muni d’un objectif fixe fera parfaitement l’affaire.

Ce n’est pas l’appareil qui compte. C’est la contrainte que vous acceptez.


Une simplicité qui libère

Renoncer volontairement à la possibilité de changer de focale peut sembler restrictif. Pourtant, c’est souvent une véritable libération. Lorsque vous ne vous préoccupez plus de savoir si une image serait “mieux” avec un autre objectif, vous cessez de vous projeter dans ce que vous pourriez faire pour vous concentrer sur ce que vous faites réellement.

Vous partez photographier avec votre boîtier.
Sans plan B.
Et soudain, tout devient plus léger.

Cette simplicité est salutaire : elle libère l’esprit, apaise les hésitations et vous remet face à ce qui compte le plus — votre intuition, vos intentions, votre regard.


Quand la focale forge votre vision

Utiliser la même focale pendant plusieurs semaines entraîne une transformation subtile, mais profonde. Votre perception se stabilise. Vous apprenez à reconnaître instinctivement les distances, les proportions, les cadrages potentiels.

Avec le temps, cette familiarité crée une forme de signature.
Vos images gagnent en cohérence.
Votre style se précise.

Ce n’est plus une collection d’images disparates réalisées avec des focales différentes, mais une vision qui s’affirme, une manière de regarder et d’interpréter le monde.


Redécouvrir la composition 🎨

Une focale fixe — surtout lorsqu’elle est standard, comme celle du X100VI — vous prive de certains effets spectaculaires, notamment du bokeh très marqué qui permet de détacher facilement un sujet de son arrière-plan.

Cette légère “privation” vous reconduit naturellement vers la composition.
Vous commencez à prêter attention aux lignes, aux motifs, aux masses visuelles, aux contrastes. Vous réfléchissez davantage à la construction du cadre, à la relation entre le sujet et son environnement.

Ce retour à la sobriété est extrêmement formateur.
Votre image repose moins sur un effet et davantage sur une intention.


Bouger plutôt que changer d’optique 🚶‍♂️

Lorsque l’on change d’objectif, on bouge peu. On s’adapte à la scène en modifiant l’outil, et non son point de vue. Avec une focale fixe, l’approche est radicalement différente.

Vous devez marcher.
Vous devez vous rapprocher.
Vous devez contourner, vous accroupir, chercher l’angle juste.

Cette mobilité redonne à la photographie sa dimension physique. Elle vous force à explorer, à vous impliquer davantage dans la scène. Et c’est précisément dans cet engagement que naît une forme d’intensité nouvelle, une manière plus vivante de photographier.


Une pratique accessible à tous

Cette méthode n’est en rien réservée à ceux qui possèdent beaucoup de matériel. Il vous suffit de choisir un objectif — un 28 mm, un 35 mm, un 50 mm, peu importe — et de décider qu’il ne quittera plus votre boîtier pendant un certain temps.

Une semaine.
Un mois.
Ou tout un voyage.

Ce qui compte, ce n’est pas la focale choisie, mais la constance qui vous permettra de progresser.


Revenir à l’essentiel

Choisir une seule focale et s’y tenir n’est pas une limite. C’est une démarche volontaire qui vous ramène à ce que la photographie a de plus fondamental : la clarté, la simplicité, l’observation.

En renonçant à l’idée de tout photographier, vous découvrez enfin ce qui vous importe vraiment.
Cette contrainte devient alors un espace de liberté, presque un retour à soi.

3 commentaires

  1. Bonjour
    Ayant tenté l’expérience en « bloquant » mon zoom sur une focale donnée, je me suis rendu compte que j’étais plus créatif et que les résultats obtenus me satisfaisaient pleinement. Maintenant pour moi il reste un question : quelle est la focale fixe la plus passe-partout ? Le 35mm qui a été longtemps LA focale de certains grands photographes ? L’utilisation d’une focale fixe peut avoir un côté frustrant : est ce que je ne risque pas de ne pas pouvoir faire telle ou telle photo ? Bref pas simple !

    1. Author

      Oui, c’est vrai que le choix peut être cornélien.
      Généralement on opte pour un 35, un 40 ou un 50mm. Car ce sont les focales les plus « polyvalentes ». Mais après tout, on fait ce qu’on veut.


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