Ce texte fait partie d’un recueil de contes sur le bord de mer. L’idée pour ces histoires est de partir de photos que j’ai prises et de m’en inspirer pour un texte. D’autres contes sont déjà en ligne : Ondine ; Le voyageur ; L’île d’or ; Une histoire

Le premier jour, un homme vint s’assoir sur le bord de la terre. Dans le calme et la quiétude de la journée finissante, il commença sa méditation. La mer se déployant devant lui était apaisée. Il était plongé dans ses pensées quand délicatement, une vague déposa sur le sable immaculé une petite coquille vide. L’homme la ramassa, se leva et dit :

« Je comprends l’enseignement de ce jour. Ce coquillage a jadis accueilli un animal. Comme lui, je suis né, j’ai grandi et j’ai vécu. Comme lui, je vais certainement mourir. Comme ce coquillage, mon corps n’est qu’une carapace et lorsque je ne serai plus, les éléments qui me composent retourneront à la nature originelle. »

Comme pour montrer qu’il avait compris ce message, il rejeta le coquillage le plus loin possible, afin qu’il retourne à la matrice.

Le second jour, il vint d’assoir sur une plage de sable. Cette fois, la mer déposa sur la grève deux fragments de roseau. L’un était grand, l’autre plus petit. L’homme ramassa les bouts de bois, se leva et dit :

« Je comprends l’enseignement de ce jour. En apportant ces deux roseaux, l’éternelle Sagesse veut certainement me montrer que toutes les choses du monde sont différentes. Les petits bouts de bois, malgré leur taille, peuvent flotter aussi loin que les grands. Il n’en demeure pas moins qu’à l’arrivée, ils sont toujours plus petits. Chaque chose doit être à sa place et les petits roseaux comme les grands ont leur qualité. Si je me sers du grand morceau pour prolonger mon bras, j’atteindrai des objets plus lointains avec souplesse. Avec le petit, l’allonge sera plus courte, mais bien plus rigide, il aura donc un usage différent. Je suis insignifiant au regard de l’immensité de la mer qui s’étend devant moi. Néanmoins, à mon niveau, je représente un maillon de la chaine. Bien que je ne sois pas irremplaçable, j’existe pour ce que je suis et je fais de mon mieux pour me rendre utile. »

Comme pour montrer qu’il avait compris, il planta les deux bouts de roseaux dans le sable. L’un était grand, l’autre plus petit.

Le troisième jour, il vint s’asseoir sur une plage de gros galets. Il s’assit sur une grande pierre plate et après un moment, il s’endormit. C’est alors qu’une vague plus violente que les autres vint s’écraser avec grand bruit. Il se réveilla en sursaut. La pierre sur laquelle il était séant n’était pas très stable et glissa légèrement. Il se rattrapa juste avant de choir complètement. Il se releva et dit :

« Je comprends l’enseignement de ce jour. L’éternelle sagesse veut sans doute me montrer que tous les éléments sont en harmonie. Chaque chose a ses caractéristiques propres et existe en concomitance avec le reste. Les lois de la nature sont ce qu’elles sont et malgré tout ce qu’on peut dire, elles ont toujours été et seront toujours ainsi. Tout est en l’équilibre. Comme moi qui suis assis sur cette pierre. Si l’on s’écarte de son destin, cet équilibre vacille, mais l’on peut toujours le rétablir. »

Comme pour montrer qu’il avait compris, il ramassa quelques galets sur la plage, et les édifia l’un sur l’autre en un équilibre précaire, mais stable.

Le quatrième jour, il vint s’asseoir au bord de la mer. Tout était désert. Pour se concentrer un peu plus sur sa méditation, il ferma les yeux. Lorsqu’il les rouvrit, un bateau était apparu à l’horizon. Il ferma de nouveau les yeux. Lorsqu’il les rouvrit quelques instants plus tard, un avion était apparu dans le ciel. Il se releva et dit :

« Je comprends l’enseignement de ce jour. L’éternelle sagesse veut sans doute me signifier que la réalité n’a d’existence pour moi qu’à travers la perception de mes sens. Ainsi, avant que je ferme les yeux, je n’avais pas conscience qu’un bateau se trouvait sur l’eau ou un avion dans les airs. Tant que l’on ne perçoit pas les choses, on ne peut pas interagir avec elles. Pourtant, cela ne veut pas dire qu’elles n’existent pas. »

Comme pour montrer qu’il avait compris, il ramassa sur le sable des galets de terre cuite rouge et les enferma dans un cadre de galet de roche blanchâtre.

Le cinquième jour, il vint au bord de la mer. Il n’eut pas le temps de s’assoir, qu’il aperçut un gros morceau de bois échoué entre les rochers. Cette magnifique branche avait probablement flottée durant des années. Elle avait pris la forme peu commune d’un bras se terminant par une main. Seul un index brandi semblait désigner le ciel. Il hésita un moment, puis il s’assit à côté de la vieille branche ? Il resta là des heures durant à regarder le doigt de bois, puis le ciel. Le jour se coucha alors qu’il était encore auprès du bois flotté.

Le sixième jour fut identique au cinquième. Il resta là, méditatif.

Le septième jour, l’homme était toujours assis au même endroit. Il avait résisté à l’humidité et au froid. Il avait eu souvent la tentation de rentrer chez lui, mais sa volonté de comprendre était plus forte. C’est alors que soudainement, la branche qui était en équilibre sur la tranche, pivota vers lui de façon à ce que le doigt de bois le désigne. Il se releva et dit :

« Je comprends l’enseignement. Lorsque je suis arrivé au bord de la terre, il y a deux jours, le doigt pointait en l’air. J’étais donc été tenté de comprendre que la vérité se trouvait dans le ciel, là où vivent les dieux. Cependant, j’ai pensé que la facilité de ce constat était un leurre. J’ai donc mis ma patience à l’épreuve et j’en fus récompensé. Lorsque la branche a pivoté et m’a montré du doigt, j’ai compris que la vérité, MA vérité, était en moi. Je suis maître de ma vie et même s’il est vrai que le hasard n’existe pas, je décide de ce que je fais. »

Il tourna les talons et gravit les marches d’un escalier aménagé dans la roche. Sur la marche la plus haute, il écrit maladroitement à la craie :

« Connais-toi toi-même… »








2 commentaires

  1. Belle poésie et magnifiques illustrations
    Félicitation.

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