Une balade de trente minutes au bord d’une rivière. Pas de pression, pas d’objectif grandiose : seulement l’envie de trouver une image juste.
Cela faisait longtemps que je ne vous avais pas emmenés avec moi lors d’une sortie photo.
L’intérêt de partager ce type d’expérience est simple : vous montrer comment une photo intéressante se construit, pas à pas, entre espoirs, essais, déceptions et petites victoires. Lorsqu’on part en balade avec son appareil, on produit toujours des images. Certaines sont ratées, d’autres correctes mais un peu fades. Parfois, on rentre sans “la” photo du jour. Et parfois, on en rapporte plusieurs.
La photographie peut être frustrante, mais c’est justement ce qui la rend vivante. Il faut se libérer de la pression de devoir créer à tout prix des images exceptionnelles.
Je le répète souvent : la photographie est une recherche. On trouve des photos. Elles émergent d’une idée, d’une intuition, d’un geste. Et tout le monde, absolument tout le monde, a des idées.
Une sortie rapide, presque anodine
La sortie que je vais vous raconter a eu lieu mi-septembre, non loin de chez moi, dans le Var. Pour la macrophotographie, j’aime marcher le long de cette rivière. Je sais que j’y trouverai toujours un monde miniature animé : insectes, araignées, fleurs, reflets, textures…
L’eau attire la vie, mais elle offre aussi des opportunités lumineuses superbes : halos, scintillements, contre-jours délicats.
À cette période de l’année, la végétation est encore verte. Dans le Var, l’été jaunit tout, brûle les couleurs. Là, la lumière perçant à travers les feuillages était douce, presque automnale.
Je n’avais qu’une trentaine de minutes devant moi. Un petit moment volé au reste de la journée.
Les premières images : belles, mais pas encore “justes”
En entrant sur le sentier, j’aperçois une petite fleur isolée. La lumière filtre joliment autour d’elle. Je tente une photo.
Elle est correcte, bien exposée… mais elle ne dit rien. Pas de souffle, pas d’émotion.
J’avance.
Plus loin, ces fameux rayons qui traversent le feuillage attirent mon regard. J’adore ce genre de lumière, presque abstraite. J’en fais parfois des doubles expositions.
Là encore, l’image n’a rien de particulier.
Quelques pas plus loin, je repère un névroptère posé sur une feuille — un fourmilion.
C’est toujours un sujet intéressant : silhouette élégante, ailes nervurées. Je prends quelques photos. Elles sont réussies, mais encore une fois, pas spectaculaires. Pas la photo du jour.
Les libellules dans une prairie
Dans une petite clairière, j’observe le va-et-vient des libellules. Elles quittent leur perchoir pour fondre sur de minuscules proies avant de revenir exactement au même endroit.
Je repère le perchoir d’une d’entre elles. Je m’approche lentement. Elle s’envole plusieurs fois, mais je veille à ne pas insister trop lourdement.
Finalement, j’obtiens deux clichés intéressants : élégants, dynamiques. Mais je sens que ce n’est toujours pas ça.
Le moment décisif : le leste au bord de l’eau
En revenant vers la rivière, j’aperçois un leste posé à l’ombre, sans bouger.
Sans doute un Lestes viridis, très docile quand il se repose.
Je commence par quelques photos de profil…
Puis une idée me traverse : et si je tentais une vue zénithale ?
Si l’insecte reste calme, cela pourrait bien être la photo du jour.
Je tente l’approche. Il ne s’envole pas.
Je déclenche. Sa posture est magnifique : ailes déployées, corps fin et parfaitement aligné.
Rapidement, une obsession s’impose : faire en sorte que tout son corps soit net.
Des cercoïdes à l’extrémité de l’abdomen jusqu’aux ailes et à la tête — tout doit être dans le même plan de netteté.
Pour cela, il me faut placer mon objectif strictement parallèle au corps de l’insecte.
J’équilibre mon poids, me hisse sur les pointes des pieds. Je fais plusieurs essais.
Les photos sont sympas, mais je n’arrive pas à obtenir cette nettetée.
Je respire.
Je trouve une pierre plate, monte dessus pour prendre un peu de hauteur.
Cette fois, l’alignement est parfait.
Je cadre.
Au même moment, un rayon de soleil vient frapper la surface de la rivière en contrebas, créant de petits halos lumineux dans l’arrière-plan.
Je déclenche.
Voilà. La photo est là.














Comme quoi il faut toujours persévérer 😉
Merci Denis pour cet échange enrichissant.