Ceux qui s’intéressent de près ou de loin au minimalisme connaissent certainement l’expression du célèbre architecte allemand Mies Vand Der Rohe : Less is more (Moins, c’est plus)

On s’imagine bien souvent qu’un seul type de composition existe lorsqu’on parle de photo minimaliste. Dans mon livre, les secrets de la photo minimaliste, j’ai listé trois grandes manières de réaliser un cliché minimaliste. 

1. Une composition épurée. Il s’agit de minimiser le nombre de motifs que l’on choisit de représenter à l’image. Fréquemment, un seul élément suffit à la réussite d’un cliché. C’est l’option que la plupart des photographes utilisent. 

Cette composition est typique du style épuré.

2. L’abstraction. Une image est qualifiée « d’abstraite » lorsque le spectateur a du mal à distinguer la véritable nature du motif. Il a alors un doute sur ce qu’il voit. Montrer des formes simples ou jouer sur la répartition des couleurs permet de susciter une émotion.

Voici un exemple d’abstraction minimaliste. Il s’agit d’un panning effectué sur la mer.

3. La répétition des formes. Paradoxalement par rapport au style épuré, vous pouvez également choisir de remplir le cadre d’une photographie avec le même motif reproduit de nombreuses fois. Comme l’explique John Pawson dans son livre Minimum, les compositions fondées sur la répétition tendent vers la simplicité. 

La répétition d’une forme sur l’ensemble du cadre tend vers le minimalisme. Ici, il s’agit de fentes de dessication dans l’argile au bord d’un lac.

En effet, lorsqu’un motif semble se répéter à l’infini, cela produit une trame, une texture en quelque sorte. En conséquence, le motif induit un rythme plus ou moins ordonné dans l’image que notre cerveau a tendance à vouloir simplifier.

Contrairement à ce que nous pourrions penser, la répétition à outrance sur un cliché n’est donc pas forcément perçue comme une confusion. La plupart du temps, cela suscite l’apaisement que recherche le photographe adepte de la vision minimaliste. 

À mon humble avis, la raison à cela est que dans la nature, on retrouve ce phénomène de multiplication des formes. Les exemples les plus évidents sont : 

  • Un ciel étoilé
  • Le feuillage d’un arbre
  • Les vagues de l’océan
  • Les nervures d’une feuille, etc.

Nous avons tellement l’habitude de voir ce phénomène de répétition, que finalement il nous apaise et est perçu par l’esprit humain comme d’une sublime et grande simplicité. 

Sur ce cliché, il y a simplement deux formes qui se répètent : des petits cercles et quatre lignes blanches verticales. Il s’agit d’un détail d’une plaque de glace.

Mais attention, car la théorie est belle, mais bien qu’appliquer ce principe peut paraître simple, cela ne l’est pas forcément. En effet, obtenir une répétition de forme n’est pas très compliqué, il suffit de pointer son objectif au bon endroit. Pour autant, cela produira-t-il une “bonne photo” ? La notion de bonne photo est subjective bien sûr, mais en expérimentant, vous vous rendrez sans doute compte que la répétition des formes ne suffit pas. 

C’est là qu’intervient la nuance. En effet, si toutes les formes sont strictement identiques, comme cela serait le cas si vous photographiez un tissu fabriqué industriellement en gros plan, nous le percevons comme quelque chose d’artificiel. Ainsi, le motif ne sera plus considéré comme simple et poétique, mais plutôt comme étant sans intérêt, car une telle image pourrait être fabriquée par automatisme sur ordinateur dans bien des cas. 

Dans la nature, les formes se répètent, mais elles ont des nuances de tailles, et de petites imperfections qui les distinguent les unes des autres. Pour un ciel nocturne par exemple, les étoiles ne brillent pas toutes avec la même intensité et bien qu’au premier regard on puisse penser qu’elles sont réparties uniformément, ce n’est pas le cas. Certaines sont plus proches les unes des autres. C’est la même chose pour les vagues d’un océan, les dunes d’un désert…

Pour ce cliché en très gros plan de l’écume de mer, un seul motif est répété. Cependant, les cercles ne sont pas tous de la même taille, ils ne sont pas tous parfaitement ronds. Ces détails créés une harmonie naturelle.
Ce genre de vue est un classique de la photographie. Les pieds de la rambarde caractérisent le motif qui se répète, mais la perspective change.
La répétition peut aussi ne pas être redondante. Pour cette image, la forme géométrique du triangle est répétée quatre fois. La perspective différente des toits donne du rythme à la composition.

De plus, lorsque nous posons les yeux sur le monde qui nous entoure, il n’arrive jamais que partout ou nous posions le regard, nous observions la même forme. Il y a toujours au moins une ligne d’horizon ou un autre élément formel qui induit un contexte. Même en photographie architecturale, il y a souvent des différences formelles dans les angles, les formes, etc.

Il y a enfin la vision du photographe. Celle qui fait qu’il est parfois délicat d’expliquer pourquoi une photo est très réussie tandis qu’une autre ne l’est pas. On peut toujours trouver des arguments, mais bien souvent la réussite esthétique manque de rationalisme. 

Pour finir, il est possible de compiler deux types de compositions minimalistes : la composition épurée et la répétition des formes. Ce procédé fonctionne très bien. La répétition d’une forme sert dans ce cas de fond, de texture. Le manque de nuance sera d’ailleurs très bien accepté si un sujet vient casser un rythme artificiel. En voici quelques exemples :

Ici, les bulles et les entrelacs des algues se répètent sur tout le cadre. Seuls trois brins d’herbe cassent ce rythme répétitif.
Le même procédé est employé ici : la répétition des gouttes de pluie sur le plan d’eau. Ce cliché se rapproche d’ailleurs beaucoup plus d’une composition épurée.
Ce genre de composition s’adapte parfaitement en milieu urbain.
Ici la trame est matérialisée par les lignes verticales du hangar en arrière-plan.
Pour cette image les lignes verticales et horizontales remplissent le cadre. Seule la serrure vient rompre ce rythme. À mon sens la réussite de l’image tient à l’usure. En effet, elle diffère selon les zones. Imaginez la même porte à l’état neuf, le cliché serait probablement moins pertinent.

Alors, vous êtes convaincu que plus, c’est moins ? 🙂

4 commentaires

  1. Un article simple à lire et riche en exemple et instructions afin de perfectionner sa technique de la photo minimaliste et pas que je pense.
    Merci ! Parmi les exemples, la photo des algues est étonnante !

    1. Author

      Merci Andrei. Effectivement, l’exploration de ce style est sans limites.
      Merci pour ton commentaire

  2. Merci pour cet article clair et illustré de superbes photos, qui nous ouvre de nouveaux horizons ! La photo de l’écume de mer me fait penser à la suite de Fibonacci. Un lien existe entre cette suite et le nombre d’or, ce qui peut expliquer pourquoi ces motifs nous paraissent familier et agréable à l’oeil. Ils sont partout autour de nous. Je dois avoir un vieux pdf qui traine si ça t’intéresse !

    1. Author

      Salut, je connais la suite de Fibonacci, j’en parle d’ailleurs un peu dans mon livre sur le cadrage.

      Merci pour ton commentaire Nicolas.

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