Encore un histoire inspiré par quelques photos réalisées dans un lieu magique non loin de la ville de Fréjus. J’ai écrit cela très humblement. N’hésitez pas à commenter et à me donner votre sentiment 🙂
Aux confins de la Provence, existait jadis un lieu sauvage. Un écrin de nature marine caché au détour d’une pinède, seulement fréquenté par quelques barques de pêcheurs. Là, les coulées de lave ardentes s’étaient figées à l’endroit où la terre rencontre la mer. La végétation avait repris ses droits dans les terres, mais la côte cristalline, aux couleurs vives et variées, restait nue. Les perpétuels assauts des vagues sculptaient inlassablement les rochers.
En quelques rares endroits étaient implantés des îlots de porphyre dont les couleurs pouvaient s’étendre du jaune fauve au rouge vif. L’un d’entre eux était particulièrement connu pour abriter des fonds remarquablement poissonneux. Ce gros caillou pelé devint, de fait, rapidement emblématique pour la population locale. Les pêcheurs, en se rendant en ce lieu, étaient presque certains de remplir leurs filets.
Au petit matin, alors que le soleil se levait en arrière-plan, le rocher prenait une teinte jaune et brillante rappelant le métal le plus précieux connu des hommes : l’or. En raison de la manne providentielle qu’il abritait et de la couleur qu’il prenait à la lueur magique de l’aurore, l’évidence s’imposa rapidement de lui donner le nom de « l’île d’or. «
Les hommes ont souvent tôt fait de sacraliser les choses ou les lieux qui ont de l’importance pour eux. Assez rapidement donc, il fut admis par le plus grand nombre que l’île accueillait en son sein un trésor. Une quantité d’or si grande que peu d’hommes avaient déjà pu en contempler autant. D’abord murmurée, lentement cette histoire devint une rumeur transmise comme un secret. Progressivement, on la raconta comme une légende, puis la légende devint un mythe.
Bientôt, on vint de tout le pays pour chercher ce butin. Après une période d’exaltation infructueuse, l’île devint finalement de moins en moins fréquentée. Personne n’avait pu y débusquer la moindre pépite. Le mythe, néanmoins, perdura dans le cœur des hommes avides de richesse.
En 1910, un haut fonctionnaire en vacances dans la région eut vent de l’histoire. À la recherche de fonds, il saisit l’occasion et proposa de vendre l’îlot, jusqu’alors propriété de l’État, aux enchères. Judicieusement, il interdit l’accès à l’île. Cette manœuvre eut pour effet de relancer la véracité de la légende auprès de la population. Après quelques années, ayant laissé planer le mystère assez longtemps autour du lieu, il finit enfin par en annoncer la vente. Il pensa que si quelques romantiques avaient envie d’acquérir cet âpre rocher qui renfermait soi-disant plus d’or que les templiers n’en avaient jamais possédé, il pourrait sans doute en tirer un bon prix. Il ne fut pas déçu.
Toute la populace était réunie à la vente, mais seule une poignée d’hommes avaient les poches assez remplies pour pouvoir prétendre à cette acquisition. Ces quelques notables n’avaient nullement besoin de plus de biens qu’ils n’en possédaient déjà, mais certaines personnes n’en ont jamais assez. Posséder plus de choses qu’autrui est leur but. Après quelques minutes il ne resta finalement dans la course plus que deux personnes : Léon Sergent, architecte de sa condition et le Docteur Auguste Lutaud. Suite à une bataille acharnée réglée à coup d’intimidations et de surenchères, Léon l’emporta au prix de presque toute sa fortune. Il fut ce jour-là le plus fier des hommes pour avoir su acquérir ce rocher tant convoité. Pendant quelques jours, on ne parla que de lui. Léon gonflait le torse, il allait pouvoir chercher le trésor à sa guise, car il était désormais sur sa propriété. Son métier l’aiderait probablement dans cette entreprise. Fin connaisseur des matériaux et des ruses que l’on pouvait employer pour dissimuler les choses aux regards, il ne doutait pas qu’il ne lui faudrait que quelques semaines pour trouver l’objet de ses désirs. Il posséderait ainsi plus de richesse que quiconque et tout le monde louerait son intelligence.
Plusieurs années passèrent. Les pêcheurs continuaient à venir dans les environs du rocher afin de réaliser de belles prises. Ils observaient le manège de Léon avec amusement. Avec le reste de ses économies, ce dernier avait fait venir sur l’île les appareils de mesure les plus sophistiqués. Il consacrait tout son temps à cette unique entreprise. Il étudia ce bout de terre sans relâche. Scannant méthodiquement chaque mètre carré, étudiant la moindre anfractuosité à la recherche d’une trappe cachée ou d’un mécanisme subtilement dissimulé. Son enthousiasme du début retomba finalement. Il ne tarda pas à se rendre compte de l’évidence, l’île d’or était stérile de toute richesse. Lorsqu’il se rendit compte de son erreur, il était trop tard. Malheureux d’avoir ainsi gâché sa vie, il sombra dans l’alcoolisme.
Le Docteur Auguste Lutaud observait patiemment l’aventure de Léon. Il n’avait jamais pu se faire à l’idée que l’île lui ait échappé d’un cheveu lors de la vente. Auguste était un personnage respecté qui s’appliquait à son travail de médecin et dont tout le monde disait le plus grand bien. Cependant, dans le secret de son coeur, il rêvait de gloire et de pouvoir. Il voyait en l’île d’or un cadeau de la providence pour accomplir son fantasme et il ne comprenait pas qu’elle eut pu lui échapper. Il pensait en son for intérieur que tout le monde avait fait fausse route et que l’or devait sans doute se trouver sous l’eau dans les failles dans lesquelles les poissons se réfugiaient.
« Comment ces idiots n’y ont-ils pas pensé ? » se répétait-il sans cesse.
Une nouvelle occasion se présenta miraculeusement d’obtenir l’objet de ses désirs. Un soir d’hiver, Auguste eu la bonne idée d’aller prendre un verre au bar de son quartier.
Arrivé sur place il vit Léon en bien mauvaise posture à une table de jeu. Il s’invita donc dans la partie et constata rapidement que l’architecte n’était pas en possession de tout ses moyens. Il était dans un état d’ébriété si avancé qu’il était en train de dilapider son ultime pécule. Léon n’ayant plus rien à miser, Auguste lui proposa de mettre en jeu cette fameuse île dont il savait qu’elle était devenue un trop lourd fardeau pour lui. Après une brève hésitation, Léon accepta. Il ne fut pas difficile pour Auguste de gagner la partie. C’est ainsi qu’il devint propriétaire de l’îlot sans avoir eu à verser le moindre denier.
Une fois sur sa terre promise, le docteur se sentit griser. Au lieu de se mettre à chercher l’or tout de suite, il eut immédiatement l’idée d’y faire construire une tour. Elle devrait être visible depuis toute la côte afin que tout le monde puisse contempler sa splendeur. Les travaux durèrent trois ans. Le bâtiment était construit sur le modèle des tours sarrasines. Comme les pierres utilisées étaient d’origine locale, l’ensemble était particulièrement harmonieux. Sitôt la fin de la construction on eut l’impression qu’elle ornait l’île depuis toujours.
Auguste était si fier qu’il jubilait littéralement. Il s’autoproclama « Auguste Premier », empereur de l’île d’or. Il organisa une fête somptueuse faisant venir les notables les plus importants du pays. Ivre de gloire, il fit éditer à son effigie une série de timbres et frapper des pièces de monnaie. Cela lui coûta la plus grande partie de son patrimoine. Après tous ces événements, il ne lui resta plus que quelques sous.
Il devint donc urgent de trouver le fameux trésor. Armé d’un matériel de plongée de pointe, il arpenta inlassablement les parois de l’île. Il sonda toutes les cavités, souleva tous les cailloux et scruta les plus petits des interstices. Les semaines passèrent, puis les mois. Il n’y trouva rien. En désespoir de cause, il imagina que le trésor était enseveli plus profondément et entreprit d’évacuer tout le sable accumulé au pied des parois rocheuses. Cette tâche était gigantesque et dura près d’un an. Un soir d’automne, alors qu’il était occupé à sa besogne, un fragment de porphyre situé en contre-haut fut déstabilisé. Le rocher, gros comme un tonneau, vint lui coincer la jambe droite et il ne put s’en dégager. Il mourut noyé un soir d’automne.
A la tombée du jour, alors que les autorités venaient pour emmener le corps de l’empereur déchu. Un jeune pêcheur contemplait le soleil se coucher derrière l’île d’or. Des rayons de lumière orangée rendaient l’atmosphère quelque peu surnaturelle. Il pensa être privilégié de pouvoir contempler un tel trésor de la nature.
Toujours de très belles photos pour illustrer ce conte moral ! Une très jolie côte que j’ai pu visiter en pleine journée mais j’imagine bien qu’aux heures dorées et bleues, elle est encore plus féérique ! Bonne journée Denis !
Salut Catherine et merci pour ton commentaire.
Effectivement, ces lieux prennent une autre dimension au crépuscule et à l’aurore. Je dirais même que l’ambiance est encore plus magique à la saison froide.
Bon week-end 😉
Je prends bonne note pour l’hiver !
Bon prochain we, je n’avais pas vu ton commentaire !:-)
Un récit qui se lit avec plaisir. Je visualise très bien les scènes de recherche du trésor ou de la partie de jeu. Les photos qui illustrent le texte sont sublimes (comme à chaque fois devrais-je dire 😉 )
J’ai juste une petite remarque orthographique. Ne dit-on pas « Arrivé sur place… » plutôt que « Arriver… ». Tout comme « A la tombée du jour » : tombée au féminin et non masculin.
Quoi qu’il en soit, bravo et merci pour le partage.
Merci beaucoup Corinne,
merci pour tes remarques concernant l’orthographe ces coquilles m’avaient échappé 🙂
Hergé s’y serait inspiré pour son album « l’ile noire » (Tintin)