J’ai déjà eu l’occasion de comparer les systèmes reflex et hybride. Il y a pas mal de différences, mais pour moi la plus grande est la mise au point. Je ne parle pas seulement d’autofocus, mais bien de mise au point. Aujourd’hui, le reflex est complètement abandonné, mais ce dernier est-il moins performant que les hybride concernant la mise au point, ou est-il juste différent ?

La mise au point, c’est quoi déjà ?

Techniquement, la mise au point est un processus optique assez complexe qu’il n’est pas forcément essentiel de connaître dans les moindres détails pour faire de la photographie. Nous pouvons en effet nous contenter d’utiliser les outils dont nous disposons sans pour autant nous intéresser à leur fonctionnement précis.

Appréhender ce principe revient en réalité à s’intéresser aux fondements mêmes de la photographie.

Que se passe-t-il au moment de la prise de vue ? La lumière projetée par la scène que l’on souhaite photographier est captée par le dispositif optique de l’appareil. Les lentilles situées dans l’objectif font converger les rayons de lumières vers un plan où se forme l’image qui sera enregistrée par le capteur ou la pellicule, mais cette projection doit être ajustée par déplacement ponctuel du dispositif optique. Ce sont les lentilles (ou une partie d’entre elles) situées à l’intérieur de l’objectif qui coulissent d’avant en arrière lorsqu’on tourne la bague de mise au point. L’opération peut aussi se faire automatiquement si l’appareil dispose de cette option (autofocus). Lorsque le plan de l’image nette correspond à l’endroit où se trouve le capteur numérique (ou la pellicule), la mise au point est réalisée convenablement.

La mise au point est donc nécessairement liée à la notion de netteté. Si l’opération n’est pas bien réalisée, la photo sera floue ou “le plan de netteté” ne sera pas au bon endroit. En conséquence, la plupart d’entre nous considéreront que la photo est ratée. De fait, nous devrions nous préoccuper tout autant des performances d’un boîtier (ou d’un objectif) en matière de mise au point que des caractéristiques de son capteur numérique. En effet, le nombre de mégapixels n’est pas le seul paramètre qui influe sur le piqué d’une image. Un autofocus défectueux ou peu performant pourra être responsable d’une photo floue ou, a contrario, d’une image bien nette et définie. 

En second lieu, la mise au point implique une distance. En effet, pour une situation donnée, il n’y a qu’une seule longueur pour laquelle le sujet que nous souhaitons photographier est net. Elle est communément appelée “distance de mise au point”. L’information est reportée sur le fût de l’objectif que vous utilisez. Par exemple, si vous ajustez le curseur de votre optique sur une distance d’un mètre, la mise au point sera effective pour tous les objets qui se situent dans ce rayon. Pas plus, pas moins. Pour les compacts et les hybrides, cette information est également disponible (en mode manuel) directement sur l’écran ou dans le viseur numérique par l’intermédiaire d’une échelle graphique.

Généralement, on peut visualiser sur le fût de l’objectif la distance de mise au point

Je ne vous apprendrai certainement pas que le matériel que nous utilisons a des répercussions conséquentes sur notre pratique. Les variables les plus évidentes sont l’encombrement, les performances  concernant la dynamique, la sensibilité, la résolution d’image et la mise au point. 

Le match :

la mise au point manuelle

Réaliser la mise au point manuellement peut sembler fastidieux au premier abord. Pourtant, elle présente bien des avantages. Malgré les prouesses des autofocus, certaines conditions de prise de vue restent en effet problématiques et mettent à l’épreuve leur efficacité :

  • La plus évidente est le manque de luminosité, car lorsque la lumière baisse, les capteurs de l’af sont pris en défaut. En revanche, notre oeil est un outil performant permettant parfois de juger plus efficacement de la netteté d’une image dans ce genre de condition. 
  • Une seconde situation difficile pour laquelle les limites de l’automatisme seront éprouvées est le manque de contraste, en particulier pour les autofocus utilisant les différences de nuances pour faire la mise au point. 
  • En gros plan également, la profondeur de champ est parfois tellement réduite que l’autofocus patine et ne donne pas satisfaction. La solution la plus simple dans ce cas est de reprendre la main. 
  • Réaliser la mise au point manuellement peut également être très intéressant en mode vidéo. La première raison est que le moindre tâtonnement de l’autofocus sera clairement visible (en photographie, on peut attendre patiemment l’acquisition de l’af). De plus, le son que fait l’objectif lors de la mise au point auto est souvent perceptible et assez désagréable. La mise au point manuelle est généralement beaucoup moins sonore, voire inaudible. 
  • Enfin, n’oublions pas que la mise au point manuelle est extrêmement importante pour ceux qui n’ont pas d’autres options. Beaucoup de photographes utilisent en effet des objectifs entièrement manuels. C’est le cas par exemple, pour ceux qui disposent d’optiques anciennes (dont certaines sont de vraies pépites) ou qui utilisent un système qui n’ont pas d’autofocus comme la série mythique des Leica M dont la visée est télémétrique (voir encadré).

Beaucoup d’appareils récents proposent des aides afin de bien réaliser la mise au point manuellement. La première option consiste à positionner le collimateur à l’endroit souhaité. Puis, dans le viseur, un indicateur signale dans quel sens il faut tourner la bague de l’objectif. Lorsque la netteté optimale est obtenue, un voyant vous le spécifie. L’autre alternative est le focus peaking. Cet anglicisme désigne une aide à la mise au point. L’appareil détecte en temps réel les bords les plus contrastés des sujets et les met en surbrillance. Il est souvent possible de choisir la couleur (rouge, blanc, jaune, bleu) dans le menu du boîtier. Ces zones correspondent à l’endroit où vous avez fait la mise au point. Le focus peaking est particulièrement intéressant pour les vidéastes qui peuvent ainsi visualiser directement les zones nettes.

En matière de mise au point manuelle, pour moi, il n’y a pas vraiment de vainqueur évident entre le reflex et l’hybride. Le focus peaking est très intéressant, mais il était déjà présent sur les reflex en visée numérique et son manque ne m’a jamais empêché de faire une mise au point précise en macro. Ce qui différencie les deux systèmes, ce sont les optiques. Les objectifs que j’ai pu tester en hybrides ont en effet une bague de mise au point magnétique. Du coup, la sensation est très différente par rapport à une optique classique dédiée au reflex. Pour ma part, je préfère cette dernière option. D’après mon expérience, le ressenti n’est pas le même. Lorsque je monte mes vieilles optiques sur mon hybride via une bague d’adaptation, je retrouve les sensations et une facilité d’exécution. Avec les nouveaux objectifs, j’ai l’impression que la bague de mise au point « patine ».

Vainqueur pour la mise au point manuelle : les objectifs dédiés au reflex.

La mise au point automatique

Entre le reflex et l’hybride, des différences notables sont à signaler. En premier lieu, la plage de couverture de l’autofocus n’est pas analogue. Pour la première catégorie, les collimateurs de mise au point sont concentrés au milieu (à l’exception de quelques modèles experts à capteur aps-c comme le Nikon d500 ou le Canon Eos 7d II) tandis que pour les hybrides, ils couvrent généralement au moins 80% du cadre. Les modes d’autofocus diffèrent également selon les technologies. Un autre aspect distingue les deux systèmes. Les reflex ont en effet bien souvent un dispositif indépendant dédié au fonctionnement de l’autofocus tandis que ces derniers sont directement intégrés dans le capteur numérique pour les hybrides. Ils bénéficient ainsi d’une aide logicielle dans laquelle l’intelligence artificielle joue un grand rôle. C’est le cas pour la reconnaissance des visages par exemple. Certains fabricants comme Nikon avec son D780, ont tenté d’adapter cette technologie aux reflex (uniquement en liveview), faisant ainsi profiter théoriquement l’utilisateur du meilleur des deux mondes en la matière.

La manière dont l’autofocus fonctionne n’est pas forcément analogue selon le boîtier que vous utilisez. Deux grandes solutions peuvent être décrites : 

L’autofocus par corrélation de phase : ce système est assez complexe et une solide formation en ingénierie optique est sans doute nécessaire pour en comprendre toutes les arcanes. Pour faire simple, un calcul direct est effectué à l’aide de capteurs dédiés. L’idée est en quelque sorte de “trianguler” deux points de l’image afin d’obtenir une distance de mise au point précise. L’avantage de cette technique réside dans la rapidité du traitement : l’appareil communique à l’objectif l’exacte mesure et ce dernier s’ajuste presque instantanément. La corrélation de phase est le premier type d’af qui ait été inventé. Il a équipé les reflex à partir de la fin des années soixante-dix et il les équipe toujours. Depuis ces temps immémoriaux, de nombreuses améliorations y ont été apportées, mais le principe de base reste le même. Il a l’avantage d’être très rapide et précis, mais requiert de la luminosité. Comme c’est dans la partie centrale des optiques que la lumière est la plus puissante, cela explique le fait que la couverture de l’autofocus soit restreinte à cette zone du cadre pour la plupart des appareils photo reflex. 

L’autofocus à mesure de contraste : comme son nom l’indique, cette technologie s’appuie sur l’idée que plus une image est floue, moins elle est contrastée. L’appareil va donc chercher à obtenir le contraste maximal dans la zone que vous lui indiquez (correspondant aux collimateurs). Là encore, cette technique a l’avantage d’être très précise, en revanche le procédé fonctionne par tâtonnement. Un algorithme fait constamment des tests et ajuste progressivement la distance de mise au point. S’il est allé trop loin, il revient en arrière…etc. En conséquence, l’af à détection de contraste est réputé plus lent que la corrélation de phase, mais malgré son apathie relative, il est aussi admis qu’il fonctionne mieux en basse lumière. Son principal avantage réside dans la compacité du système. C’est pour cette raison qu’il équipe les appareils les plus petits. En liveview (lorsque le miroir est levé) les reflex utilisent majoritairement ce type d’af.  Notons enfin que si les premières générations d’hybride n’étaient pourvues que du système à mesure de contraste, les derniers modèles sortis combinent à la fois la corrélation de phase (intégré au capteur) et la mesure de contraste, bénéficiant ainsi des avantages des deux technologies.

Mais alors quel est le plus performant ?

La question revient souvent, car si les premiers hybrides étaient plutôt anémiques lorsqu’il était question de l’autofocus, les dernières générations dopées aux nouvelles technologies viennent directement concurrencer leurs aînés. Concernant les boîtiers les plus coûteux comme le nikon Z9, le sony A1 ou le canon R5, il n’y a plus débat. Ils sont clairement plus performants qu’un reflex. Les différences sont surtout notables au niveau de la reconnaissance du sujet et de son suivi automatique.

Un autofocus performant peut permettre d’obtenir plus facilement ce type de cliché concernant un sujet en mouvement.
Pour réaliser ce type d’image, pas besoin d’investir 7000euros dans un boitier récent.

Les hybrides ont pour eux l’avantage de la couverture de l’af sur tout le cadre et l’analyse en temps réel qui permet d’interpréter l’image et de faire automatiquement la mise au point sur les yeux du sujet par exemple. Mais que reste-t-il au reflex ? Je pense quand même que la question peut se poser si l’utilisateur n’a pas forcément besoin d’avoir un mode de suivi automatique performant. En effet, les hybrides cités plus haut sont formidables, mais ils coutent entre 4000 et 7000 euros nus. Les hybrides plus accessibles, sont plus performants en matière de suivi du sujet, mais pas forcément pour l’acquisition de la bonne distance de mise au point.

Ainsi, pour les photographes de rue, de paysage, de gros plan, ou même de portrait, la question peut vraiment se poser. Si vous en avez les moyens, le dernier hybride sera meilleur que le reflex d’il y a trois ans, mais si vous ne recherchez pas forcément la performance, cela restera une question de budget.

Vainqueur pour la mise au point automatique : le système hybride

2 commentaires

  1. Merci pour ce bel exposé, clair et précis comme toujours.
    Côté autofocus, rien à dire, les derniers sont toujours meilleurs que les précédents surtout s’ils sont d’une gamme supérieure !
    Ce qui me gêne avec les hybrides est justement le fait que la visée ne soit pas optique mais confiée à un écran dont la résolution est très inférieure à celle du capteur, ce qui génère des cumuls, parfois fâcheux.

    Mon expérience : je possède un D850 (superbe réflex avec un autofocus au top et un live-view efficace avec une fonction de focus peaking) et j’ai eu à photographier une scène difficile : un héron cendré de l’autre côté du petit étang avec un fond encombré de branches en tous sens, avec un très long téléobjectif SANS autofocus.
    Pas simple de faire la mise au point manuellement à l’oeil car l’ouverture de l’objectif était faible. J’ai donc utilisé le focus peaking pour me guider et la scène apparaissait nette sur l’écran live view, même en zoomant un peu. Un peu seulement car même si l’activité d’un héron est faible, il bouge quand même et il faut garder un oeil sur l’ensemble de la photo.
    À l’écran, la photo était nette. Fier de moi, j’ai ensuite regardé la photo sur un grand écran et horreur elle était floue !

    3 millions de pixels sur le live view, 45 millions sur le capteur, chaque pixel du live view est un agrégat de 15 pixels captés.

    J’ai refait l’expérience plusieurs fois avec le même résultat.

    Depuis, je vérifie toujours la mise au point dans le viseur avec la précision de mon oeil ou si elle doit être manuelle, je ne me sers que du viseur (et je n’utilise plus cette ancienne optique pas assez lumineuse).

    OK, on pourra dire qu’il est possible de zoomer l’écran de visée. Mais, quand on peut voir les détails sans avoir à passer du temps à tripoter les boutons et à zoomer, c’est plus rapide et pratique en photo nature.

    Daniel…

    PS : super pour la cadence de publication des articles !

    1. Author

      Salut Daniel, merci pour ton partage d’expérience.
      Effectivement le D850 est excellent. Et malgré ses performances, il peut lui aussi être pris en défaut comme tous les boîtiers.
      Pour la visée, c’est vrai que la différence est notable. Au départ, le côté numérique me perturbait un peu, mais je m’y suis fait et cela ne me gêne pas. Cet aspect sera très rapidement amélioré pour les prochaines générations de boîtier.

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