Comme je vous l’avais promis il y a trois jours, je vous propose de partager avec vous un extrait de mon livre Les secrets du cadrage photo. Il s’agit ici de lire une image.

Entraîner son regard est une pratique bénéfique voire essentielle pour faire des choix de cadrage précis. Les images que j’ai sélectionnées pour le livre présentent différents graphismes et sujets, l’idée étant d’aborder plusieurs cas de figure.

Sachez que ce chapitre est le dernier de l’ouvrage et qu’il comporte dix images expliquées. Les explications de chaque cliché prennent à chaque fois plusieurs pages.

Les parties précédentes ont pour but de vous fournir le maximum d’informations et d’éléments afin de composer efficacement une photographie.

Ainsi, si vous n’arrivez pas totalement à faire l’exercice, c’est bien normal. La lecture de l’ouvrage (depuis le début 🙂 ) pourra vous aider à améliorer et peaufiner considérablement vos cadrages.

J’ai déjà eu quelques retours de certains de mes fidèles lecteurs (que je remercie chaleureusement) . Ils sont soit des photographes débutants, soit des experts pratiquants la photographie depuis déjà de nombreuses années. Leurs avis me permettent de dire que le livre est à la fois utile aux débutants, mais aussi à ceux qui s’exercent depuis longtemps déjà et qui voudraient arriver à passer un palier et donner plus de sens et d’impact à leurs images.

Bref, trêve de discours, voici l’extrait :

Pour l’image suivante, les questions auxquelles vous devrez tenter de répondre sont les suivantes.

  • Quelle est l’intention créative ? (Ce qui revient à se poser la question du sujet et de la signification générale de l’image.)
  • Quel est le procédé employé pour guider le regard ?
  • Pourquoi avoir opté pour cette orientation de cadre et cet angle de vue ?

Si vos réflexions ne coïncident pas tout à fait avec les explications qui accompagnent chaque image, ce n’est pas qu’elles ne sont pas pertinentes : nous avons tous une sensibilité propre, nous percevons parfois les choses avec différentes nuances. En revanche, si votre ressenti est à mille lieues de ce que j’ai souhaité exprimer, je vous suggère de refaire l’exercice car quelque chose vous aura probablement échappé.

Afin de fournir un maximum d’informations, je donnerai aussi des renseignements auxquels nous n’avons généralement pas accès (ou de manière très partielle) quand nous regardons des photos ; elles participent pourtant à la bonne compréhension des images :

  • le contexte détaillé de la prise de vue ;
  • le matériel utilisé ;
  • le post-traitement numérique effectué (développement, retouche, etc.).

Ombres portées

23 mm (équiv. à 35 mm en 24 × 36), f/5,6, 1/250 s, 200 ISO

L’intention créative

Cette photographie traduit ma volonté de créer une image à l’esthétique très graphique. L’idée ici était de jouer sur les angles et les contrastes entre les ombres et les hautes lumières.

Procédé pour guider le regard

Vous l’aurez sans doute remarqué, la composition ne suit pas les règles de composition dites « classiques » : les procédés que j’ai qualifiés d’instinctifs sont tout aussi efficaces (voire plus). Ici, l’observateur est confronté à une multitude de figures géométriques et d’angles qui structurent l’image. Les seuls motifs qui viennent rompre ce rythme sont les pieds du passant ainsi que son ombre. Naturellement, le regard aura tendance à être attiré par cette unicité, bien que le sujet soit très proche de la limite du cadre.

Les deux masses visuelles noires au bas de l’image (ici soulignées en bleu) ont deux fonctions : la première est d’habiller le registre inférieur qui se serait trouvé bien vide si ces figures géométriques ne s’y étaient pas trouvées ; la seconde est de créer des motifs qui dirigent le regard vers le haut de l’image. Ces masses sombres réduisent la zone des hautes lumières ce qui incite le lecteur à explorer la partie supérieure de l’image.

L’œil rencontre alors deux lignes obliques, parallèles à l’ombre du passant, qui délimitent la zone la plus importante du cliché (ici soulignée en rouge). Le motif triangulaire en haut à droite (ici en vert) n’a pas d’autre fonction que d’équilibrer la composition.

La disposition des ombres guide le regard vers le sujet

Cadre et angle de vue

L’angle de vue est ici en légère plongée – si j’avais choisi un angle frontal ou en contre-plongée, j’aurais nécessairement inclus d’autres motifs à l’arrière-plan ce qui aurait donné un tout autre visuel beaucoup moins intéressant.

Avant de délcencher, j’ai également testé l’orientation verticale mais elle donnait trop de perspective et ne fonctionnait pas aussi bien. J’ai également testé un recadrage carré, mais l’équilibre des formes n’était pas aussi réussi.

Le contexte

Je suis loin de me définir comme un « photographe de rue », car ma sensibilité me conduit le plus souvent dans la nature. Néanmoins, j’apprécie l’exercice et je le pratique quand j’en ai l’occasion. Cette photo a été prise en milieu de journée sur le port de Saint-Raphaël – rien n’indique sur l’image que la mer se situait à seulement quelques mètres de là…

J’avais repéré ces ombres, que je trouvais très intéressantes. J’ai ajusté mon cadrage et j’ai attendu 5 à 10 minutes : les rares personnes qui passaient par là n’empruntaient pas le bon chemin… Mais ma patience finit par être récompensée.

Le matériel

J’ai utilisé pour cette photo un compact expert hybride, le Fujifilm X100F, qui a la particularité d’accueillir un capteur APS-C dont la taille assez conséquente permet d’obtenir une bonne qualité d’image. Le dispositif optique de l’appareil n’est pas interchangeable : la focale est de 23 mm, ce qui équivaut à 35 mm pour un format de capteur 24 × 36 mm (qui sert de référence en photographie).

Le traitement

L’image a été considérablement contrastée au post-traitement afin que l’on ne puisse plus distinguer de détails dans les zones d’ombre. J’ai également enlevé certains motifs en haut à droite de l’image (malgré la précision de mon cadrage, s’y trouvaient quelques éléments de mobilier urbain).

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