Depuis longtemps, quand je parcours mes archives photographiques — que ce soit des fleurs, des paysages ou des instants urbains — une étrange impression revient : je me surprends à faire « toujours la même photo », ou du moins une photo qui, visuellement, se reconnaît. Les sujets changent, le lieu change, la lumière varie : et pourtant, la structure, le traitement, la composition adoptent une sorte de rythme, un schéma perceptible.
Pourquoi ? Qu’est‐ce qui pousse un photographe à répéter, consciemment ou non, les mêmes gestes visuels ? Dans ce que j’ai observé, se cachent trois dynamiques :
- L’instinct du « bon cadrage » : quand une image fonctionne, aussi bien esthétiquement que techniquement, on tend à la réutiliser, parfois sans même s’en rendre compte.
- La signature visuelle : au fil du temps, on affine des préférences — lignes fortes, minimalisme, formes isolées — qui finissent par constituer un « moi photographique », ce lien presque inconscient entre ce que je vois et ce que je choisis de montrer.
- La répétition comme exploration : plutôt que la redondance soit un frein, elle peut devenir un terrain de jeu : découvrir comment, avec le même « schéma », on peut raconter autre chose, explorer d’autres sujets, d’autres lumières, d’autres émotions.
Je vous invite à regarder vos propres images : repérer les compositions qui reviennent, comprendre ce qu’elles disent de vous et de votre regard, et voir comment ce que certains qualifieraient de « reproduction » peut devenir un autoportrait discret de votre démarche photographique.
Et si, au lieu de vouloir absolument « changer », on accueillait cette répétition comme une forme d’affirmation : « oui, je reviens là, parce que c’est moi qui reviens là ».

Ce qui m’interpelle toujours, c’est que cela n’est pas du tout voulu.
De plus, ces cadrages ne respectent pas forcément les règles classiques de composition. Il s’agit souvent de compositions plus audacieuses (en toute modestie 🙂 ). Ce n’est pas la position du sujet, mais le graphisme de l’image tout entier qui se répète (parfois).
Lorsque je me suis rendu compte de cela, j’ai été plutôt intrigué. Car en réalité, et même si j’ai constaté cela depuis quelques années, je le fais de manière tout à fait inconsciente.

Du coup je me pose parfois la question de la signification de cette répétition.
Attention, je ne veux pas dire que toutes mes compositions se ressemblent. Mais lorsque c’est le cas, cela m’étonne toujours un peu, surtout lorsque les lieux, les ambiances et les sujets sont si éloignés.
On pourrait penser que cette redondance est due au fait que j’ai trouvé une bonne recette qui fonctionne. Du coup, de manière instinctive, j’ai tendance à répéter ce “bon plat” que je ressers bien volontiers dès que c’est possible. Cela pourrait signifier que je tourne en rond, mais je le conçois plutôt comme une forme d’aboutissement.

Comme vous le savez peut-être, j’ai beaucoup réfléchi à mon style, à ma démarche et à l’esthétique de mes photos. À la longue, je suis peut-être allé au-delà de l’intellectualisation du procédé pour que cela devienne “presque” totalement instinctif.
Je pense aussi que mon intention minimaliste me permet d’identifier plus simplement les compositions qui se ressemblent.
Enfin, je me dis que chacun de nous a peut-être quelques photographies idéales en tête. Ce sont des images qui nous appartiennent totalement. Des souvenirs d’enfance, des utopies graphiques, des formes marquantes qui ont jalonné notre vie.

Finalement, on pourrait se dire que nous faisons toujours les mêmes photos. Et que les photos que nous faisons reflètent notre personnalité : ce sont les fragments d’un autoportrait.

Je suis très curieux de savoir si vous avez constaté la même chose pour vos images.
Cet article pousse à la réflexion et déjà merci pour ça ! Et donc en prenant un peu de recul, je m’aperçois qu’en ce qui me concerne je le vois plutôt comme une quête. Je cherche à ce que mes photos se ressemblent. Je cherche à isoler le sujet au maximum, je pense que c’est pour cela que j’use et j’abuse du bokeh et de la monochromie. J’essaye de faire autrement mais peut importe ce que je photographie j’en reviens toujours au même. J’ai eu quelques doutes en te lisant sur ce qui pourrait ressembler à de la facilité mais je m’aperçois que je suis aussi dans cette démarche au quotidien. Je cherche à aller à l’essentiel et comme en photos je n’y parviens pas toujours 🙂 !
lol, c’est pour ça que je ne montre pas souvent mes photos…
« encore des nuages… encore des fleurs… encore des insectes… »
ben oui, c’est ce que j’aime, c’est ce qui me « parle »…
en post traitement je vais très souvent vers les mêmes réglages, vibrance des couleurs, densité, balance des blancs…
j’utilise Luminar AI. Il y a un module de recadrage qui propose un cadrage basé sur l’études de centaines de photos de « grands » photographes alimentant un algorithme, et bien ça ne me plait quasiment jamais….
Et ça ne me pose aucun soucis. je suis heureux de contempler mes tirages de nuages, fleurs et insectes…
peut etre qu’à force de te lire je me poserai autant de question que toi… : )))
Salut Hervé,
l’idée de l’article est de dire que malgré les changements de sujets, on a souvent les mêmes compositions qui reviennent.
Il n’y a aucun problème à traiter souvent les mêmes sujets. Ce qui est. délicat, c’est de se renouveller 🙂
ces photos et cet article m’ont rappelé que dans le tourbillon de tous les jours , je n’ai pas pris le temps de reprendre attentivement la lecture / étude de votre excellent livre sur la photo minimaliste…j’adore ce genre de composition pas toujours simple à identiifer et à saisir au bon moment.
Merci pour ton commentaire Xavier. Il est vrai que ce type de photo n’est pas toujours facile à trouver.
Avec un peu de pratique, on fait de belles découvertes