Le style n’est pas exclusif à la photographie. Il s’applique à toutes les disciplines artistiques. C’est le cas pour l’architecture, la peinture, la sculpture, la littérature, la mode, la danse, le cinéma… etc.
Lorsqu’on est en quête de son identité graphique, c’est un peu comme si l’on cherchait à se rencontrer soi-même. Mais qu’est-ce que cela implique vraiment pour la photographie ?
Bien que l’on puisse naturellement avoir une idée de ce qu’est le style, il me semble important de formaliser ce concept avant d’aller plus loin. En premier lieu, pour certains, une confusion peut exister entre le style et ce que l’on appelle le genre. Ce dernier est très fortement lié au type de sujet que vous allez traiter. Il s’agit notamment du portrait, du paysage, du gros plan, de la photo animalière, de la photo d’architecture, de la photo de rue ou encore de la photo culinaire. Bien qu’un genre puisse être exclusif chez un artiste, il influencera certainement son style de manière conséquente, mais il ne le définira pas. Pour exemple, on peut considérer deux photographes célèbres tels que Diane Arbus et Steve McCurry. Ils ont tous deux pratiqué un genre principal au cours de leur carrière : le portrait. En revanche, la façon de le traiter est radicalement distincte. Je vous invite à aller visionner quelques-unes de leurs œuvres sur internet ou dans un ouvrage et vous vous rendrez compte au premier regard que leur style diffère considérablement. Diane Arbus devient célèbre aux États-Unis dans les années soixante pour ses portraits de « freaks », de marginaux qu’elle photographie au grand-angle de manière frontale en utilisant un flash. Elle fait poser ses sujets et emploie le noir et blanc qui convient très bien à la dramaturgie qu’elle recherche. Le résultat est saisissant. À l’époque, les clichés de Diane Arbus étaient qualifiés de dérangeants.
Steve McCurry a couvert de nombreuses guerres au cours de sa carrière. Sa photographie la plus connue est sans aucun doute le portrait de Sharbat Gula, une jeune Afghane de 13 ans réfugiée au Pakistan dont les parents ont été tués. Son regard vert est incroyablement puissant et interrogatif. Ce cliché restera dans l’histoire et a fait d’elle une véritable icône moderne. McCurry utilise exclusivement la couleur qu’il souhaite souvent très vive. Il ne fait pas poser ses sujets, préférant qu’ils soient spontanés et il a seulement recours à la lumière naturelle. Ses compositions sont très travaillées et volontairement esthétiques, il recherche de la beauté là où on ne pense pas forcément la découvrir. Ces deux photographes ont de nombreux points communs comme le genre principal qu’ils ont choisi, le portrait, et une préoccupation centrale gravitant autour de la complexité de la condition humaine. Cependant, leur manière de le faire est bien distincte. Cette différence est le reflet de leur personnalité et définit ainsi leur style.
Le style, c’est l’identité visuelle du photographe, sa marque de fabrique. Pour arriver au résultat final, l’image qu’il présentera, l’artiste prend un très grand nombre de décisions. Elles sont appliquées pour une seule photo, mais elles peuvent aussi être répétées complètement ou partiellement sur différents clichés. Certains changeront de style en fonction du sujet qu’ils traiteront, tandis que d’autres voudront rester dans une gamme analogue. À la manière d’un peintre, nous avons des préférences pour une technique, un genre artistique, une palette de couleur, certaines compositions… etc. C’est pour cette raison que nous pouvons parfois reconnaître un photographe en observant uniquement ces critères esthétiques.
Mais alors,doit-on toujours chercher avoir du style ?
Plusieurs réponses peuvent être apportées à cette interrogation. De manière hypothétique, un photographe pourrait clairement considérer qu’il est de son devoir de tenter constamment de prendre des clichés originaux. C’est peut-être le cas pour certains grands noms qui chercheraient à tout moment à sublimer ce qu’ils voient. Je pense par exemple aux photographes de rues qui ont en permanence un appareil photo autour du coup.
Pour la plupart d’entre nous, je crois qu’il n’est pas toujours primordial de vouloir imprimer sa signature formelle sur chaque cliché. Si je prends mon cas par exemple : je tente de réaliser des œuvres pour lesquelles toute mon attention est focalisée. Dans ce cadre, je cherche constamment à faire évoluer mon style, à être créatif et à trouver de nouvelles idées. Je suis également photographe professionnel et il m’arrive régulièrement de couvrir des mariages, de faire des portraits, des reportages pour des entreprises… etc. Il s’agit donc de travaux de commandes. Les images doivent en premier lieu répondre aux attentes de mes clients, mais si ces derniers m’ont engagé, c’est bien souvent qu’ils pensent que j’ai un regard singulier. Bien que je doive avoir un point de vue personnel, vous comprendrez aisément que je ne disposerai pas de la même liberté que pour mes recherches individuelles. Enfin, j’ai aussi une activité de photographe au sein de ma famille. Dans ce contexte, l’idée dominante est de garder un souvenir de vacances ou d’un moment important. J’utilise évidemment mes compétences, mais le but n’étant pas le même que pour les pratiques citées précédemment, je n’accorde pas autant de considération au style de mes images.
En réalité, notre personnalité se projette toujours dans ce que nous photographions, consciemment ou non. À nous de cerner la manière et l’intensité à laquelle nous voulons qu’elle se manifeste.
Pourquoi est-il si important d’avoir une identité visuelle marquée ?
Cette démarche nous permet de nous poser les bonnes questions. Les plus essentielles étant : Qu’est-ce que je souhaite photographier ? Comment vais-je pouvoir le faire ? Qu’est-ce que je veux montrer à ceux qui vont voir mes clichés ? L’élaboration d’un style aura donc pour conséquence de développer considérablement notre épanouissement artistique.
Au cours de vos réflexions, vous devrez absolument faire des choix. Cela vous contraindra à opter pour des partis-pris graphiques et vous vous démarquerez ainsi d’autres artistes. Ces préceptes que vous allez établir, il faudra les respecter pour coller au mieux avec votre personnalité, mais une fois ces règles fixées, elles ne doivent en aucun cas devenir dogmatiques. Je vous invite donc à toujours remettre en cause vos préférences. Un style ne doit certainement pas être figé et il peut évoluer si cela vous semble justifié dans la mesure où vous n’en changez pas l’intégralité tous les quatre matins.
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