Ces créatures étranges aux allures de libellules et de papillons fascinent autant les biologistes que les photographes. Portrait d’un insecte discret et méconnu, le chainon manquant entre libellule et papillon : l’ascalaphe.

🧬 Un ordre fascinant : les névroptères
Les ascalaphes appartiennent à l’ordre des névroptères, un groupe ancien d’insectes qui regroupe également les fourmilions et les chrysopes. Ce sont des insectes holométaboles, ce qui signifie que leur développement passe par une métamorphose complète : œuf, larve, nymphe et adulte.
Leur particularité ? Deux paires d’ailes membraneuses, nervurées à la manière d’un vitrail gothique, qu’ils tiennent repliées en toit au-dessus de leur abdomen lorsqu’ils sont au repos. Leur corps est élancé, souvent orné de soies sensitives (poils fins) qui jouent un rôle tactile ou thermorégulateur. On a recensé près de 6 000 espèces dans le monde, dont environ 200 en France.

🦋 Le cas particulier des ascalaphes
Les ascalaphes (famille des Ascalaphidae) sont sans doute les plus étonnants représentants de cet ordre. Leur aspect hybride, quelque part entre une libellule et un papillon de nuit, intrigue :
- De longues antennes terminées par une massue, presque comiques, leur confèrent un aspect expressif.
- Leurs yeux globuleux et leurs pattes fines leur donnent une apparence d’insecte préhistorique.
- Une touffe de poils sur la tête les fait parfois passer, à tort, pour des insectes poilus ou « chevelus ».

Leur vol est imprévisible, rapide, mais de courte durée. En effet, leur musculature thoracique n’est pas aussi développée que celle des libellules, ce qui limite leur endurance.
🔍 Biologie et écologie : prédateur du petit monde
Les ascalaphes sont avant tout des prédateurs aériens. Ils capturent en vol de petits insectes — pucerons, mouches, petits coléoptères — grâce à leurs mandibules puissantes. Ils chassent généralement à faible hauteur, dans les prairies ou les clairières, évoluant juste au-dessus des herbes.
Ils sont également héliophiles : ils aiment la chaleur et la lumière. Cela explique leur présence dans les zones chaudes, ensoleillées, et relativement sèches, comme les pelouses calcaires ou les friches du Sud de la France.
Le cycle de vie de l’ascalaphe est étonnant :
- La larve, très différente de l’adulte, vit cachée dans la végétation basse.
- Elle est, elle aussi, prédatrice, et peut survivre plusieurs mois avant de se nymphoser.
- Le stade adulte est de courte durée : quelques semaines seulement entre avril et juillet, avec un pic d’activité en mai-juin.
📷 Les photographier : entre patience et stratégie
📍 Où les trouver ?
Les ascalaphes affectionnent les prairies bien exposées, les pelouses sèches, les bords de chemins fleuris, et même certains coteaux viticoles. En France, les zones méditerranéennes sont particulièrement propices : Provence, Languedoc, Drôme, Alpes du Sud…
Ils apparaissent dès les premiers beaux jours du printemps, souvent dès avril, avec une période de pleine activité entre mai et juin.
📸 Quand et comment les photographier ?
Le meilleur moment pour les approcher, c’est tôt le matin, quand ils sont encore engourdis par la fraîcheur de la nuit. Leurs ailes sont alors déployées pour capter les premiers rayons du soleil, et leur mobilité est réduite.
Évitez les heures chaudes, où leur vol nerveux et imprévisible rend toute approche difficile. Lorsqu’ils chassent, ils deviennent extrêmement méfiants : un pas de trop et ils s’envolent en zigzaguant hors de portée.
🎯 Matériel et technique
- Un objectif macro ou une focale longue (90 mm, 150 mm voire 300 mm) vous permettra de garder vos distances tout en remplissant le cadre.
- Utilisez une ouverture modérée (f/8 à f/11) pour conserver du détail dans les ailes, tout en floutant l’arrière-plan si possible.
- Stabilisez votre appareil, surtout si vous shootez en lumière naturelle et à vitesse modérée.
- Approchez-vous lentement, en restant à hauteur du sujet. Le meilleur angle est souvent de face ou légèrement de biais, pour capter le regard et la structure complexe des antennes
🌞 Ce qu’ils révèlent à l’image
Un ascalaphe, c’est une leçon d’esthétique naturelle. Sa silhouette semble dessinée par un enfant inspiré : des ailes de dentelle, une tête hirsute, des antennes d’arlequin. En photographie, mettez en valeur sa personnalité :
- Accentuez les détails de la tête, notamment la fameuse touffe de poils.
- Intégrez les éléments de son environnement, pour raconter une histoire visuelle.
- Profitez des contre-jours du matin, qui illuminent les nervures alaires comme un vitrail
🐾 Une beauté discrète à préserver
Discrets, souvent ignorés, les ascalaphes sont pourtant des témoins de la biodiversité des milieux secs. Leur observation et leur photographie ne nécessitent pas d’aller au bout du monde, mais simplement d’ouvrir l’œil au bon moment, au bon endroit.
En prenant le temps de les comprendre, vous ne ferez pas qu’une belle photo : vous rendrez hommage à un monde minuscule, fragile et précieux.