On me considère souvent comme un « photographe minimaliste » car je revendique cette esthétique bien volontiers et que j’ai écrit un livre sur le sujet. Comme je le dis régulièrement, ce n’est pas quelque chose auquel je pense vraiment lorsque je fais des photos. Ce rendu me va bien, mais toutes mes photos ne sont pas forcément minimalistes, je tenais quand même à le préciser en préambule. 🙂 🙂 🙂

Je pensais qu’un article concernant le paysage traité de manière minimaliste pouvait être un sujet qui intéresserait la plupart des lecteurs de 33iso.com. En effet, si l’on adopte un point de vue minimaliste, n’importe quel paysage peut devenir un sujet de choix pour peu que nous maîtrisions bien les codes graphiques de ce type d’image. Ce style qui connaît un énorme succès ces derniers temps est devenu un incontournable du genre. Mais en quoi consiste-t-il exactement ?

Habituellement, les photographes cherchent à améliorer une photographie en y ajoutant des éléments pour arriver à une composition de plus en plus complexe. Pour le minimalisme, en revanche, le concept qui domine est celui de sobriété. La création de l’œuvre s’opère par soustraction. Lorsqu’il n’est plus possible d’enlever quelque chose de plus (en restant en adéquation avec un discours prédéfini), le résultat est supposé tendre vers la perfection.

Nikon D750 – Nikon 300mm AFS F/4 D IF ED – 1/640 s – f/8 – 320 Iso
Les paysages sont partout autour de vous. Aucun besoin de se rendre dans un pays exotique pour pratiquer ce genre. Le moindre plan d’eau à proximité de chez vous est déjà un sujet de choix.
Nikon D750 – Sigma 150 DG EX HSM Macro – 1/4000 s – f/2,8 – 100 Iso
La recherche de simplification du motif produit souvent des photographies à l’atmosphère zen et apaisante.

L’art minimal apparaît les années 1960. À cette époque, un groupe d’artistes se pose en réaction au déballage émotionnel de l’Expressionnisme abstrait et à la trivialité du Pop Art. Ils jugent l’esthétique de ces courants artistiques bien trop agressive et prônent un retour à la simplicité. Ils souhaitent que les œuvres soient considérées pour ce qu’elles sont et ils rejettent tout caractère symbolique ou métaphorique. Les précurseurs de cette idéologie sont Ad Reinhart, Donald Judd ou encore Franck Stella. Depuis ce concept fondateur, le terme de minimalisme a évolué dans l’inconscient collectif et désigne aujourd’hui une esthétique simple, la clarté des formes, des structures. Ce mouvement a influencé tous les domaines artistiques comme l’architecture, la danse, la mode, la musique, le design et la photographie.

Une définition

Il existe très peu d’écrits d’historien de l’Art abordant le minimalisme en photographie et aucun ne s’est aventuré à l’expliquer spécifiquement. Paradoxalement, c’est une bonne chose, car, de fait, son acceptation demeure assez ouverte. Une définition d’un paysage minimaliste pourrait être : « une photo d’un panorama plus ou moins vaste qui répond à une volonté de simplicité, excluant le superflu pour ne retenir que l’essentiel ». Cette approche est régulièrement résumée par la phrase désormais célèbre de Mies Van der Rohe, fameux architecte allemand de la première moitié du XXᵉ siècle : « Less is more » (moins, c’est plus).

En d’autres termes, c’est une quête de simplicité. Il est important de souligner que le sens de ce mot ne doit pas être synonyme de simpliste et il serait très réducteur de penser que ce type de paysage est facile à élaborer. Pour les réussir, il faut apprendre à regarder, capter la quintessence de ce que l’on voit, « poser » le cadre au bon endroit.

Nikon D800 – Nikon AFS 85mm F/1.8 g – 1/200 s – f/8 – 360 Iso
Voici un paysage qui n’est pas minimaliste. Outre la barque de pêcheur, on y distingue en effet beaucoup d’autres éléments.
Nikon D800 – Nikon AFS 85mm F/1.8 g – 1/640 s – f/8 – 320 Iso
En cadrant différemment la scène, on obtient une image épurée et graphique ou les motifs sont strictement réduits à l’essentiel. (Photo Denis Dubesset)

Une méthode pour un paysage minimaliste

Formaliser un procédé est parfois un bon moyen de trouver (ou de garder) ses repères aux moments auxquels nous prenons les décisions pour produire une image de qualité. Nous pouvons ainsi établir une ligne de conduite à suivre pour l’élaboration d’un paysage minimaliste.

1. Trouver l’inspiration : cela peut sembler cousu de fil blanc, mais en réalité beaucoup de débutants ont tendance à oublier ce principe. Ils photographient un paysage qui se présente à eux sans vraiment avoir cherché à s’en imprégner. C’est pourtant la première chose à faire : imaginer ce qu’un panorama nous inspire et tenter de matérialiser physiquement cette sensation. Cette étape constitue donc le point de départ de toute création.

2. Définir le sujet : ce dernier découle directement de l’inspiration que vous aurez eue précédemment. Définir le sujet vous amènera à considérer le pilier de la composition. Dans le paysage qui se développe devant vous, il y a sans doute beaucoup de motifs : un arbre en premier plan, une petite maison perdue au creux d’une vallée, les montagnes en arrière-plan, un ciel nuageux… En se posant la question de ce que l’on veut exprimer, on caractérise dans le même temps le sujet de notre photographie.

3. Observer la lumière et la météo : le moment auquel nous allons effectuer la prise de vue aura une importance capitale et donnera, selon l’heure, une ambiance totalement différente. Pour rappel, les luminosités de l’aurore et du crépuscule sont particulièrement recherchées pour leurs douceurs. À l’inverse, la forte lumière du milieu de journée offrira peu de transition entre les hautes lumières et les ombres. Pour simplifier une image, les contre-jours et les lumières rasantes peuvent être de véritables atouts, permettant de gommer beaucoup de détails. Les conditions météorologiques sont aussi un paramètre majeur à considérer. Dans sa quête de l’essentiel, un photographe affectionnera particulièrement la brume, la pluie ou même les chutes de neige. Ces atmosphères nous offrent l’occasion d’obtenir un voile naturel qui simplifiera avantageusement un cliché.

4. Varier les conditions de prise de vue : on a parfois tendance à penser qu’il est délicat de faire des photos différentes d’un même paysage. Pourtant, les possibilités sont innombrables. Vous pouvez choisir de photographier un large panorama ou d’en isoler un détail. Vous pouvez opter pour un angle de vue plus original, tenter d’obtenir un autre point de vue en vous déplaçant un peu, opter pour une lumière sensiblement distincte…

5. Rendre la photo minimaliste : les photographes les plus aguerris n’ont pas besoin de passer par l’étape précédente. Face à un paysage, ils savent exactement comment obtenir ce qu’ils veulent et ont la capacité de produire directement ce qu’ils souhaitent. En revanche, pour les débutants, il faudra certainement un peu plus de pratique avant d’acquérir des automatismes. Pour cette étape, il s’agira de tenter de simplifier votre image au maximum tout en restant fidèle à votre idée primaire. Vous pouvez exclure des éléments en posant le cadre de manière adéquate, en ajoutant un premier plan pour masquer des objets, en laissant une part plus importante au ciel… C’est en expérimentant que vous trouverez des solutions et que vous affinerez progressivement votre goût.

Nikon D800 – Nikon AFS 28mm F/1.8 g – 15 s – f/13 – 100 Iso
La lumière du soir (ou du matin) est particulièrement douce et se prête bien à l’exercice du paysage minimaliste
Nikon D750 – Tamron SP 35mm F/1.8 Di VC USD – 1/4000 s – f/1,8 – 50 Iso
Le style minimaliste permet d’appréhender différemment un paysage, en se concentrant uniquement sur ce qui est important. Cette image pourrait ne pas rentrer dans la catégorie du paysage selon certain. Pourtant pour moi c’est bien un paysage. Comme quoi tout n’est qu’une question de point de vue 😉

5 commentaires

  1. Merci Denis pour cet article très relaxant par la beauté des clichés notamment 😉
    Un style photo auquel je ne me suis pas encore exercée étant pour l’instant plus focalisée sur la macro. Mais je ne dis pas que je ne testerai pas le minimalisme lors de mes prochaines vacances en terre creusoise.

    1. Author

      Salut et merci pour ton commentaire. Effectivement la macro est une discipline captivante, j’en sais quelque chose 🙂
      La Creuse est certainement un super terrain de jeu pour les paysages minimalistes. Tu me diras 😉

  2. j’adore ta photo du lac, c’est vrai qu’au post traitement ya pas mal de travail pour faire ressortir l’essentiel et en gommant le superficiel. je ne sais pas pourquoi mais j’ai vraiment une préférence pour la lumière du matin sûrement à cause de l’inertie de la nuit donnant encore des couleurs bleutées, contrairement au soir ou j’aime moins l’orangée. bref ce week-end je vais à fort mahon essayer de capter de jolis moments. météo ok, marrée ok, spots identifiés ok. merci pour cet article. ce coup ci je ne m’enferme pas dans le cadrage ni la longueur focale, ce sera à l’instinct 😉. à bientôt Denis

    1. Author

      Pour cette image, je n’ai pas fait grand-chose au post-traitement à part accentuer le contraste. Lorsque j’ai pris la photo, il faisait nuit. Du coup, l’ambiance et le sujet lui-même m’ont permis d’épurer la compo. Je te souhaite un bon trip photo et surtout fais toi plaisir.

  3. Le minimalisme, c’est d’enlever tout ce qui est superflu sans retirer l’essentiel.
    J’ai vu trop d’expos de « photographes minimalistes » qui se disaient d’inspiration de grands maîtres Japonais (minimalistes de culture) et qui avaient TOUT enlevé dans les horizons marins à force de post-traitement.
    J’adore ces photos qui donnent la main à l’observateur. Vive l’essentiel dans nos photos.
    Merci Denis.

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