Vous connaissez peut-être des photographes qui revendiquent le fait de ne jamais s’inspirer d’autres artistes (moi j’en connais 🙂 ). Ils estiment que le fait de voir ce que font les autres les influencerait trop et ils en perdraient totalement leur identité.

Pour ma part, il me semble totalement illusoire de penser qu’aucune influence ne pourrait atteindre notre rétine. En effet, nous n’avons jamais autant été cerné de visuels de toute sorte. Pour y échapper, il faudrait s’isoler tellement que prendre des photos n’aurait sans doute plus aucun sens.

Des images en deux dimensions sont relayées par la télé, les smartphones, les livres, les magazines…etc. Sans que nous en ayons conscience, elles nous influencent lorsque nous photographions.

Étant donné qu’il est impossible d’y échapper, autant choisir consciemment de quelles images nous voulons nous inspirer plutôt que de subir l’impact inconscient des publicités ou de quelques navets cinématographiques.

Je pense également qu’il est opportun de préciser la nuance qu’il peut y avoir entre inspiration et plagiat.

Un plagiat est le fait d’imiter, de copier une œuvre. Sous réserve que cette imitation soit formellement prouvée, c’est un délit punissable par la loi. L’inspiration est le fait de nourrir son esprit d’images, de les digérer et d’y rechercher ce qui pourrait correspondre à notre personnalité. Parfois des éléments viennent alimenter notre style tandis que parfois, on découvre des artistes en total désaccord avec ce qu’on a envie d’exprimer. Lorsque cela arrive, c’est aussi enrichissant. Savoir ce qu’on ne veut pas précise aussi un peu plus ce que l’on veut.

À force de s’imprégner d’images choisies, cela étaie notre réflexion et s’imprime dans notre esprit de manière subtile. En conséquence, c’est l’esthétique de nos clichés qui s’en trouve changée.

En résumé, l’inspiration est un vaste sujet. Il est important de se forger un œil en visionnant des images afin de connaître ce qui vous plaît… ou pas.

Je vais détailler quelques-unes de mes sources d’inspiration graphique évidentes qui nourrissent ma photographie.

Je dis “évidentes”, car nos préférences littéraires ou musicales par exemple ont aussi une influence sur notre photo, mais cela est moins visible. Parfois aussi, on aime des artistes, mais cela ne transparaît pas forcément sur nos images. Par exemple, j’adore le travail des photographes Alex Webb ou Harry Gruyaert, mais ils sont tellement différents de ce que je fais, que je ne vois pas bien en quoi ils m’influencent. Probablement dans des petits détails imperceptibles.

La peinture tient une place de choix dans ma sélection. Je me souviens avoir été très marqué par l’esthétisme du courant des peintres impressionnistes lorsque j’étais étudiant.

D’ailleurs, la toile de Claude Monet qui donne son nom au courant : Impression, soleil levant (1872) correspond bien à l’esthétique que j’affectionne.

Impression soleil levant

La peinture du courant impressionniste se concentre sur l’ambiance, “mets l’accent sur les phénomènes climatiques et lumineux”. Cette définition pourrait parfaitement coller à beaucoup de mes clichés.

D’une manière générale, je suis client de la peinture asiatique. Cette dernière a d’ailleurs considérablement influencé l’impressionnisme, du coup je reste cohérent 🙂

Pour les peintres japonais, je ne ferai pas preuve d’originalité en citant les célèbres Hiroshige et Hokusai. L’esthétique de leur peinture est tellement moderne.

Hiroshige : Mont Fuji 4

En chine, mon peintre préféré est ShiTao également appelé le moine Citrouille amère. Adepte du Zen, ses sujets sont des paysages, des végétaux, des fleurs. Parfois l’homme prend place dans cette nature idéalisée. Il a un goût pour l’essentialisme, les formes épurées. Shitao n’est pas le seul à m’inspirer au pays du soleil levant. Généralement c’est aussi le cas des peintres chinois de la voie excentrique (courant défini a posteriori qui s’étale sur près de mille ans) qui ont chacun leur tour défié l’art officiel du pouvoir. C’est de cette liberté prise que vient le nom du mouvement.

Shitao
Shitao

Parmi eux, Zhu Da (ou Chu Ta) me semble être celui qui a poussé le plus l’idée d’esthétique épurée.

Zhu da
Zhu da

Si le sujet vous intéresse, il existe les livres de Francois Cheng qui est à peu près le seul (à ma connaissance, mais je ne suis pas expert) auteur à porter les lumières esthétiques de l’orient jusqu’en France. Celui-ci regroupe un peu tous ces merveilleux artistes (je ne l’ai pas encore, mais c’est certainement l’une de mes futures acquisitions. )

Je pense que le cinéma est également une influence importante. Aujourd’hui, nous passons beaucoup de temps (c’est mon cas) à regarder des œuvres cinématographiques. La photographie est très proche du cinéma. Pour chaque film, il y a d’ailleurs quelqu’un qui s’occupe spécifiquement de la “photo” c’est-à-dire du cadrage minutieux de chaque scène tournée.

Pour cet aspect spécifiquement, j’affectionne les films de Sergio Leone, Térence Malik, Quentin Tarantino, Wim Wenders.

Un plan du film « il était une fois dans l’ouest de Sergio Leone »

Les films animés de Miyasaki ont aussi une esthétique qui m’inspire particulièrement.

Concernant enfin la photographie stricto sensu les artistes que j’admire sont très nombreux. Je ne vais donc citer que la partie émergée de l’Iceberg, de peur de me lancer dans une liste trop longue.

Saul Leiter : je parle souvent de ce photographe, mais lorsque je l’ai découvert, j’ai été tellement frappé par son audace et sa justesse dans les compositions, les couleurs. Son univers est très urbain (il a photographié New York principalement)

Saul Leiter

Todd Hido : j’ai déjà écrit un article sur ce photographe contemporain dont la carrière ne fait que commencer.

Todd Hido

Mickael Kenna : une référence de la photo minimaliste en noir et blanc.

Mickael Kenna

Yamamoto Masao : ce merveilleux photographe japonais transpose en quelque sorte les peintres asiatiques que j’ai précédemment cités en photo et en noir et blanc.

Masao Yamamoto

Vincent Munier : un photographe animalier qu’on ne présente plus. Il avoue volontiers aussi son affection pour la peinture asiatique et cela se ressent dans ses clichés. Il a rencontré un immense succès ces dix dernières années. De nombreuses fois copié, le maître reste inégalé. J’ai eu la chance qu’il veuille bien participer succinctement à mon livre sur la photo minimaliste.

Vincent Munier

Ernst Haas : un extraordinaire photographe aux talents multiples. Pour moi, c’est assurément l’un des plus créatifs de son temps.

Ernst Haas

Voilà pour cette sélection non exhaustive.

N’hésitez pas à partager vos références en matière d’image. J’aime découvrir de nouveaux artistes.

4 commentaires

  1. Salut Denis, et merci pour cet article. Masao Yamamoto et Ernst Haas sont aussi pour moi des références incontournables. De mon côté, j’ajouterais aussi en vrac: Tim Walker pour son élégante audace, Joel Peter Witkin pour ses « fleurs du mal », Christian Coigny pour sa sublimation du noir et blanc, Fan Ho pour ses compositions épurées, Josef Sudek pour la poésie des premiers temps, John Dugdale pour sa mélancolie du temps qui passe, Franco Fontana pour sa géométrie colorée et Luigi Ghirri, parce que c’est celui dont tu me sembles le plus proche. Bonne continuation et meilleurs vœux!

    1. Author

      Salut Mikaël,
      Merci pour ces nombreuses références dont certaines m’étaient inconnues. Parmi ces photographes, celui qui m’a toujours fasciné c’est Franco Fontana. J’aime beaucoup Fan Ho et Christian Coigny. Tim Walker, Joel Peter Witkin et Dugdale (ceux là je ne les connaissais pas 🙂 ) me parlent moins. Enfin pour Luigi Ghiri, je suis flatté de la comparaison 🙂

  2. Bonsoir Denis
    J’ai beaucoup aimé ton article dont je partage la réflexion. S’inspirer des autres ne signifie pas copier!
    Ton article fait référence à des atistes que je ne connaissais pas et que je vais apprendre à découvrir. Pour ma part j’ai commencé la photo macro par un côté naturaliste , mais ma vision à changer quand j’ai vu les images de Xavier Coulmier, qui depuis m’ont beaucoup inspirer et à changer ma façon de voir le monde du petit. Louise Tanguay, photographe canadienne à travers ses livres  » Flora » et  » Natura » m’a beaucoup inspirée également pour la poésie de ses images. Merci Denis pour la richesse de tes propos et pour ton partage. A bientôt Eric

    1. Author

      Salut Eric,
      Je connaissais X. Coulmier mais pas Louise Tanguay. Je suis allé faire un tour sur son site et j’y ai découvert des images très intéressantes.
      Merci pour ton partage 🙂

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